La CCT n° 109 règle la motivation du licenciement dans le secteur privé

Lorsque vous procédez au licenciement d'un ouvrier ou d'un employé occupé depuis plus de six mois, vous devez depuis le 1er avril 2014 appliquer les nouvelles règles de motivation du licenciement. La CCT n° 109  répond à toutes les questions importantes qui vous trottent dans la tête: quand devez-vous motiver le licenciement, comment le licenciement doit-il être motivé, existe-t-il une sanction en cas de défaut de motivation, ... Il est temps d'apprendre par coeur les nouvelles règles et les nouveaux délais car le licenciement manifestement déraisonnable est puni d'une amende.

La loi relative aux contrats de travail (LCT) ne prévoit aucune obligation générale de motivation en cas de licenciement. L'article 63 de cette loi règle toutefois le licenciement abusif, mais uniquement pour les ouvriers. Les dispositions relatives au licenciement abusif des ouvriers ne seront toutefois plus applicables à partir de l'entrée en vigueur d'une CCT relative à la motivation du licenciement, conclue au sein du Conseil national du Travail et rendue obligatoire par arrêté royal.
La CCT n° 109 du 12 février 2014 relative à la motivation du licenciement entre en vigueur le 1er avril 2014 et introduit deux nouveaux principes: les travailleurs - ouvriers et employés - ont la possibilité 1) de connaître les motifs de leur licenciement et 2) d'invoquer un licenciement manifestement déraisonnable devant le tribunal.

Le droit de connaître les motifs concrets qui ont entraîné le licenciement

Dorénavant, vous ne devez pas motiver automatiquement tous les licenciements, mais uniquement lorsque le travailleur en fait la demande. Après la fin du contrat de travail, un travailleur dispose d'un délai de deux mois pour demander les motifs de son licenciement par lettre recommandée (nouveau). S'il preste un préavis (c'est vous qui mettez fin au contrat de travail), il doit le faire au plus tard dans les six mois qui suivent la notification du congé.
Après la réception de la lettre du travailleur, vous disposez ensuite d'un délai de deux mois pour lui communiquer les motifs par lettre recommandée. Le délai de deux mois commence à courir le troisième jour suivant l'envoi de la lettre par le travailleur.
Vous pouvez évidemment toujours communiquer vos motifs spontanément (et par écrit).
Attention. Celui qui ne communique pas les motifs concrets ayant entraîné le licenciement au travailleur qui a introduit une demande à cet effet lui est redevable d'une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération. Cette amende n'est pas due si vous avez communiqué les motifs concrets de votre propre initiative.

Licenciement manifestement déraisonnable

Vous pouvez avoir différentes raisons de licencier un travailleur: il peut exister des raisons économiques, structurelles ou personnelles (prestations médiocres ou insuffisantes du travailleur). Mais votre pouvoir de licencier n'est pas absolu.

Un licenciement manifestement déraisonnable est un licenciement qui se base sur des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, et qui n'aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.

Le juge examinera donc sur la base du 'licenciement manifestement déraisonnable' si la décision de licencier présente ou non un lien avec l'aptitude et la conduite du travailleur ou avec le fonctionnement de l'entreprise, et si elle aurait également été prise  par un employeur normal et raisonnable.

Dispositions relatives à la charge de la preuve à partir du 1er avril 2014

Aujourd'hui, qui doit prouver qu'un licenciement est "manifestement déraisonnable"?
Pour les congés donnés ou notifiés jusqu'au 31 mars 2014 inclus, les ouvriers peuvent faire valoir les dispositions relatives au licenciement abusif (voyez article 63 LCT). Cet article n'est plus d'application depuis le 1er avril  2014.

La CCT n° 109 règle tout autrement la charge de la preuve. Nous distinguons trois hypothèses, selon que vous avez ou non communiqué les motifs du licenciement spontanément ou à la demande du travailleur.

1. L'employeur a communiqué correctement/spontanément les motifs du licenciement: la charge de la preuve repose en premier lieu sur le travailleur. Il n'en reste pas moins que vous devez également prouver le motif communiqué (charge de la preuve partagée).
2. L'employeur  n'a pas communiqué correctement les motifs du licenciement et le travailleur a introduit une demande de motivation: vous devez fournir la preuve des motifs que vous invoquez pour le licenciement. La charge de la preuve repose exclusivement sur vous.
3. L'employeur n'a pas communiqué les motifs du licenciement et le travailleur n'a pas introduit une demande de motivation: le travailleur doit fournir la preuve d' "éléments qui indiquent le caractère manifestement déraisonnable du licenciement".

Sanction forfaitaire

Le juge qui considère qu'une décision de licencier est manifestement déraisonnable peut vous infliger une sanction forfaitaire de 3 à 17 semaines de rémunération. La hauteur  de l'indemnisation dépend de la gradation du caractère manifestement déraisonnable du licenciement. Cette sanction n'est jamais cumulable avec d'autres indemnités de protection contre le licenciement, comme une indemnité de licenciement à l'occasion d'une grossesse, d'un crédit-temps, d'un congé parental, ou avec l'indemnisation pour abus de droit. Mais elle est cumulable avec une indemnité de préavis, une indemnité de non-concurrence, une indemnité d'éviction ou une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales.

La figure du licenciement manifestement déraisonnable n'est réservée qu'aux travailleurs  engagés pour une durée indéterminée; les travailleurs engagés dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée ne peuvent pas s'en prévaloir. Ils doivent toujours se baser sur la figure de l'abus de droit pour éventuellement obtenir une indemnisation. Le travailleur qui invoque la figure de droit commun de l'abus de droit doit apporter la preuve de la faute commise par l'employeur, du préjudice et du lien causal entre ces deux éléments.

Signalons que le Conseil national du Travail (CNT) estime que l'amende ne peut pas être considérée comme une rémunération et être passible de cotisations de sécurité sociale.

Champ d'application: le secteur privé

Le nouveau régime de motivation du licenciement s'applique à tous les travailleurs et employeurs du secteur privé.
Tant les contrats de travail à durée indéterminée que les contrats de travail à durée déterminée sont soumis à l'obligation d'information, donc également le contrat de travail à durée déterminée auquel il est mis fin anticipativement, mais pas le contrat de travail à durée déterminée qui n'est pas prolongé.

Les nouvelles règles ne s'appliquent pas dans les cas suivants:

durant les six premiers mois de l'occupation;

dans le cadre des contrats de travail intérimaire;

dans le cadre des contrats de travail pour étudiants;

en vue du régime de chômage avec complément d'entreprise (RCC);

en vue de la mise à la retraite;

en raison de la cessation définitive de l'activité;

en raison de la fermeture de l'entreprise;

dans le cadre d'un licenciement collectif;

en cas de licenciement multiple dans le cadre d'une restructuration;

pour les travailleurs qui relèvent d'une procédure spéciale de licenciement fixée par la loi (p.ex. licenciement d'un délégué du personnel ou d'un conseiller en prévention) ou par une CCT (p.ex. la procédure de licenciement dans le secteur des assurances ou une procédure propre à l'entreprise);

pour les travailleurs auxquels ne s'appliquent pas (encore) les nouveaux délais de préavis et qui n'ont droit qu'à des délais de préavis réduits: si les délais de préavis réduits sont structurels (travailleurs du secteur de la construction ou sur chantiers temporaires ou mobiles), le régime du licenciement abusif reste d'application; si les délais de préavis réduits sont temporaires, le régime du licenciement abusif reste d'application jusqu'au 31 décembre 2015 et ces travailleurs tombent ensuite sous le régime de la CCT n° 109.