Copropriété : adaptation de la réglementation concernant la démolition et la reconstruction
Une modification de loi intervenue en 2018 permettait de décider de la démolition et de la reconstruction de lappartement à la majorité des quatre cinquièmes des copropriétaires. Cette procédure nétait possible que dans des situations spécifiques. Si les conditions imposées nétaient pas réunies, lunanimité était requise. Le 20 février 2020, la Cour constitutionnelle a toutefois annulé cette disposition légale. Le législateur a dores et déjà réagi.
La loi et la Cour constitutionnelle
La loi prévoyait quune majorité des quatre cinquièmes des voix suffisait pour décider de la démolition et de la reconstruction de limmeuble si cette décision était motivée par des raisons dhygiène ou de sécurité ou par des coûts de rénovation disproportionnés. En cas de désaccord, un copropriétaire avait toutefois la possibilité dabandonner son lot en faveur des autres copropriétaires, si la valeur de celui-ci était inférieure à la quote-part quil aurait dû prendre en charge dans le coût total des travaux.
Un promoteur immobilier estimait que cette loi avait pour effet de priver un copropriétaire de son droit de disposer de son lot privatif. Une personne peut ainsi être confrontée à la démolition et à la reconstruction de limmeuble dont elle est copropriétaire, même si elle y est opposée.
La Cour constitutionnelle (arrêt n° 30/2020) a annulé la loi, mais pas parce quelle naurait pas tenu compte de lintérêt du copropriétaire opposé à une telle décision. La Cour reproche au législateur de ne pas avoir prévu de garanties supplémentaires et déclare :
Étant donné que la disposition attaquée peut avoir pour effet de contraindre un copropriétaire à renoncer à son droit de propriété, il doit être prévu que lassociation des copropriétaires saisisse, de sa propre initiative, le juge de paix de sa décision..., et que le juge de paix puisse contrôler la légalité de cette décision, et le cas échéant, demander lavis dun expert sur le caractère approprié du montant de la compensation.
Adaptation du Code civil
Dans une loi du 31 juillet 2020, le législateur se conforme à la volonté de la Cour et adapte le Code civil.
Tout dabord, la possibilité de décider de la démolition et de la reconstruction dun immeuble à la majorité des quatre cinquièmes est reprise dans le Code civil. Cette procédure nest (toujours) possible que si les raisons invoquées concernent la salubrité ou la sécurité ou le coût excessif, par rapport à la valeur de limmeuble existant, dune mise en conformité de limmeuble aux dispositions légales. Notez au passage que lassociation des copropriétaires peut également décider à lunanimité de la démolition et de la reconstruction de limmeuble, même si les raisons mentionnées ci-dessus font défaut.
Le Code prévoit toutefois à présent que si lassemblée générale na pas pris la décision à lunanimité des voix, lassociation des copropriétaires peut saisir le juge de paix, dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle lassemblée générale a eu lieu. Linitiative appartient donc désormais à lassociation. Laction doit être dirigée contre tous les copropriétaires qui, disposant du droit de vote à lassemblée générale, nont pas approuvé la décision.
Cette obligation présente toutefois un inconvénient : lexécution de la décision de lassemblée générale est suspendue jusquà ce que le juge de paix se soit prononcé. Or, cette procédure peut engendrer une perte de temps de plusieurs mois.
Si lassemblée générale décide de la démolition et de la reconstruction de limmeuble à la majorité des quatre cinquièmes, un copropriétaire peut toujours abandonner, contre compensation, son lot en faveur des autres copropriétaires, si la valeur de celui-ci est inférieure à la quote-part quil devrait prendre en charge dans le coût total des travaux.
La loi précise à présent quà défaut daccord concernant la compensation, celle-ci est déterminée par le juge en fonction de la valeur vénale actuelle du lot concerné, abstraction faite de la décision de lassemblée générale.
Elle prévoit enfin que tous les frais et honoraires judiciaires et extrajudiciaires liés à laction de lassemblée des copropriétaires dirigée contre tous les copropriétaires qui, disposant du droit de vote à lassemblée générale, nont pas approuvé la décision sont toujours à charge de lassociation.
La rupture de la règle de lunanimité est maintenue et cest probablement une bonne chose. Désormais, la démolition et la reconstruction dun immeuble pour des raisons de sécurité ou de salubrité ou pour échapper à dautres obligations légales ne peuvent plus être empêchées par un seul copropriétaire ou une poignée de copropriétaires. Néanmoins, vu limportance de lingérence dans le droit de propriété, il importe dinstaurer les garanties nécessaires. Reste à voir à présent si la protection de ces propriétaires ne génère pas inutilement une perte de temps considérable.